Vertaling: Rokus Hofstede
HET MEISJE EN UTOPIEËN
(beginfragment)
(De vertaling wordt gepresenteerd tijdens Poetry International 2014.)
LA JEUNE FILLE ET LES UTOPIES
(fragment initial)
Les rois et les reines sans enfants finissent généralement par avoir une fille.
Une fille !
Le cri de déception résonne dans tout le royaume. Ils sont déçus.
Cette enfant doit promettre des dons, des prévisions autour du berceau, un prince et tout ce qui s’ensuit. On calcule les maladies, on dénombre les réussites.
Un chemin de vie, qu’est-ce que c’est ? Les grandes espérances dans les lignes de la main, oui… mais ensuite ? Parmi les rôles de père, mère, enfant, celui qui pioche la mauvaise carte s’en souviendra.
A l’apogée de sa crue, on imagine la fillette au bras d’un cavalier. Mais les cavaliers passent, les jeunes filles restent… la vie s’enfuit au volant d’une décapotable.
(Naître fille est un handicap qui consiste à être deux fois plus vivante qu’un garçon).
Si le rêve de l’humanité est de s’affranchir, la jeune fille en fait partie.
Elle fait partie de ces grandes poussées vers l’avant, cette lente traversée.
Pour les jolies à la taille serrée, c’est plus facile : absolument indépendantes, elles sont favorisées. Le sol n’est cependant pas stable pour une ardente jeunesse, les murs ne tiennent pas droits.
Ce qui explique la jeune fille, ce sont les marches manquées.
Les autres rejoindront la masse des sans charme, des petites sœurs devant les miroirs.
C’est ahurissant. Devant son image, la petite laide grimace. Pour être la jeune et belle parmi toutes, il faut posséder son reflet.
La question de la beauté se posera. Définitivement. Le symptôme féminin va avec danger, attente, frustration, espérance vertigineuse.
L’arrivée d’une fillette constituait pour les familles royales une catastrophe, ce n’était pas le divin enfant, on observait ses futures empreintes, ses cheveux, ses petits fossiles dentaires.
La partie nocturne de la sorcière resterait intacte. Aujourd’hui, par la procréation assistée, la mère prend ses distances, garçon ou fille, l’enfant est accepté, déclaré, un tampon le prouve. Elle ne s’interroge plus dans le miroir de la salle de bain.
Les techniques modernes proposent des enfants nouveaux pour des mères solitaires. Les pères continuent à réparer les ampoules, les enfants s’ennuient.
Dans certaines familles, la République des filles fut le catéchisme. La jeunesse des écoles arrivait bruyamment avec les uniformes, les chaussettes blanches.
Aujourd’hui, on néglige le vide des pensionnats, l’ivresse des cierges, des jardins enneigés. On a fait croire aux filles qu’elles pourraient accéder au mariage, avoir des enfants, que les hommes s’arrêteraient devant les cafés. Est-ce sérieux ? Comment se faire raccompagner, alors que les jupes n’ont pas encore gonflé ? Comparer la longueur de mes jambes à celle des autres filles, était-ce nécessaire ?
Bientôt, on pourra sortir au bras d’un inconnu,
l’embrasser, fumer une Marlboro à deux. Les princesses pauvres aux cheveux détachés vont se libérer plus vite que les riches qui croupissent. Entre les deux, la masse des étudiantes manifestera dans la rue.